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Eleonora Voltolina

Vive la science. Mais la procréation assistée doit être une aide, pas la solution

Dernière mise à jour : 31 oct. 2022

Il y a un siècle encore, une quantité impressionnante de maladies qu’on sait guérir aujourd’hui — voire prévenir par la vaccination — tuaient ou rendaient invalides. Heureusement, la science est là. Heureusement, les progrès de la recherche médicale nous ont fourni des outils de diagnostic, des thérapies chimiques, des instruments chirurgicaux avancés et informatisés, parfois même robotisés. Vive la science.


Heureusement, la science est également active dans le domaine de la natalité. Les procédures de traitement de la stérilité, l’insémination artificielle et toutes les pratiques connues sous le nom de «procréation médicalement assistée» ont permis à des millions de personnes dans le monde d’avoir des enfants.


Si l’on met de côté les questions éthiques — comme l’opportunité de provoquer une grossesse chez une femme physiologiquement ménopausée, à 60 ans ou plus — et sans minimiser les risques tels que les grossesses multiples, ces procédures de procréation médicalement assistée constituent un des progrès majeurs de notre temps. Vive la science.


Mais il faut également être conscient qu’il ne s’agit pas d’une solution au problème qui est au cœur du Why Wait Agenda, c’est-à-dire l’écart entre le nombre d’enfants qu’on désire et celui des enfants qu’on a effectivement, ni plus généralement à la question de la baisse constante de la natalité, tandis que l’âge moyen à la naissance du premier enfant est en augmentation dans les pays avancés. Ce n’est pas la solution pour plusieurs raisons. La première, c’est que cette solution ne fonctionne que 3 à 4 fois sur 10.

Tel est le taux de réussite chez les personnes qui entrent dans un institut médical de fertilité et en sortent, des mois ou des années après, avec leur bébé dans les bras, comme on dit. En Suisse, les données FIVNAT/SFSO publiées sur le site de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) indiquent en 2019 un taux moyen de 25 % de grossesses effectives à la suite d’une procédure de FIV (fécondation in vitro, IVF en anglais), mais seulement 19 % d’accouchements à l’issue de ces grossesses, car une part non négligeable d’entre elles se terminent par une fausse couche.


La deuxième raison, c’est que, comme dans les cas de conception naturelle, le taux de réussite est étroitement lié à l’âge de la mère. Une femme de 29 ans qui suit un traitement contre l’infertilité aura beaucoup plus de chances de tomber enceinte qu’une autre de 39 ans — sans parler d’une âgée de 49 ans. Cela signifie que les procédures de procréation médicalement assistée peuvent aider de manière nettement moins efficace les personnes qui essaient d’avoir un enfant après 35 ans et moins efficace encore après 40. Statistiquement, ce sont pourtant les tranches d’âge qui s’adressent le plus souvent à ces instituts.


La troisième raison, c’est que, dans bien des cas, il s’agit de procédures coûteuses. Les différences de lois entre les pays encouragent un «tourisme procréatif» qui fait augmenter un peu plus les coûts pour les personnes désirant par exemple accéder à la fécondation hétérologue et au diagnostic préimplantatoire, mais vivent dans des pays où ces procédures demeurent interdites, ou bien les personnes célibataires et les couples homosexuels qui vivent dans des pays où la procréation médicalement assistée n’est ouverte qu’aux couples hétérosexuels.


La quatrième raison est qu'il s’agit encore de procédures invasives, impliquant la prise de médicaments et d’hormones en quantité considérable, ainsi qu’une médicalisation des phases d’ovulation, un suivi gynécologique régulier et, parfois, des interventions chirurgicales. Le corollaire, c’est que la probabilité de «naissances multiples», comme on les appelle, c’est-à-dire d’avoir des jumeaux, des triplés, etc., augmente de façon spectaculaire. Or, ce sont des grossesses à plus haut risque. En Suisse, par exemple, le taux global de naissances multiples était de 1,7 % en 2019. Mais en ne prenant en considération que les grossesses à un traitement par fécondation in vitro, le taux montait à 6,11%, c’est-à-dire presque quatre fois plus.


Alors vive la science. Vive la procréation médicalement assistée, qui peut aider de nombreuses personnes à avoir ces enfants qu’elles ne peuvent ou ne veulent pas avoir naturellement.


Mais il faut prendre le problème à la racine. Toutes ces femmes qui s’adressent aux instituts médicaux de stérilité parce qu’elles ont attendu trop longtemps, mais pas par choix, ces femmes qui réalisent soudain que vouloir tomber enceinte à 35, 39 ou 42 ans n’est pas si facile, toutes ces femmes auront certainement leur chance grâce à la procréation médicalement assistée, si elles décident d’essayer, si elles ont les ressources psychologiques et financières pour le faire. Mais pour une grande partie de ces femmes, n’aurait-il pas été préférable de créer un environnement non hostile et de leur permettre d’avoir des enfants quand elles ont commencé à en vouloir? Au lieu de les soumettre à une pression excessivement forte afin qu’elles reportent le choix de la maternité?


Vive la science. Mais pour les femmes de plus de 40 ans, même elle n’offre pas beaucoup de chances d’avoir un enfant. Un changement de paradigme politique et culturel est donc nécessaire afin que les femmes qui souhaitent des enfants n’attendent pas l’âge de 40 ans pour en avoir (ou essayer d’en avoir).



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Ce contenu, ainsi que l'ensemble du site The Why Wait Agenda, est produit par Journalism for Social Change, association à but non lucratif exerçant un journalisme engagé, apportant à travers l'information un point de vue laïc et progressiste sur les questions de fertilité et de la parentalité et promouvant un changement culturel, sociétal et politique sur ces questions. L'un des moyens de financement de l'association passe par les dons de ses lecteurs : en donnant même une petite somme vous permettrez à ce projet de grandir et d'atteindre ses objectifs.

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